2013-06-23 09:26:28
Φωτογραφία για La Russie et l’Europe face au « printemps arabe »
Piotr Stegni, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, membre du Conseil russe pour les affaires internationales (RSMD)

En SyrieDébut janvier 2011, alors que l’étincelle allumée par les événements de Tunisie commençait à provoquer les premiers incendies en Égypte, au Yémen et au Bahreïn, un ambassadeur d’un pays européen me prit à part lors d’une réception diplomatique et me demanda, en triturant un bouton de ma veste : « Pourquoi la Tunisie ? ».

Son visage exprimait une perplexité sincère face à la logique perfide d’une Histoire qui refusait de distinguer les « bons » dictateurs des « mauvais ». À vrai dire, j’ai moi-même du mal à comprendre, aujourd’hui encore, pour quelle raison le tsunami qui allait rapidement recouvrir une bonne moitié du monde arabe est né précisément en Tunisie, un pays tout à fait pro-occidental et relativement prospère à en juger par ses principaux indicateurs.


Ce qui nous conduit à une réflexion à première vue banale mais, en réalité, fondamentale. Le « printemps arabe », rapidement rebaptisé « automne » puis « hiver » arabe, est un phénomène imprévisible par nature. Il obéit à ses propres règles, qui échappent parfois à l’analyse. L’irruption de la démocratie au Proche-Orient a pris tout le monde par surprise, de la même façon que les fortes chutes de neige enregistrées à Jérusalem cette année-là. À priori, chacun savait que cela pouvait se produire ; mais les personnes et organisations compétentes, y compris les services météorologiques et diplomatiques, se sont montrées incapables de prédire que des congères allaient temporairement paralyser toute activité.

En Occident, le « printemps arabe » a été perçu comme une victoire de la démocratie ; en Russie, comme une victoire de l’OccidentEn deux ans, le « printemps arabe » a apporté de nombreuses surprises. La plus importante d’entre elles, mais pas la seule, est l’arrivée en force des islamistes sur la scène politique. En Égypte, déjouant tous les pronostics, ils ont réussi avec une facilité déconcertante à écarter du pouvoir les militaires et à faire adopter par référendum une constitution fondée sur la charia. S’ils remportent les prochaines élections législatives – ce qui est très probable – , il faudra admettre que les islamistes se sont fermement installés au pouvoir au Caire, et donc dans le monde arabe dans son ensemble.

Tâchons d’y voir plus clair…Le « printemps arabe » n’a pas suscité la même interprétation à Moscou et dans les chancelleries occidentales. En Occident, il a été perçu comme une victoire de la démocratie ; en Russie, comme une victoire de l’Occident. C’est compréhensible : depuis la fin de la Guerre froide, l’Occident et la Russie jouent des rôles distincts dans le processus de reformatage du monde : schématiquement, l’Occident « démocratise » et la Russie « se fait démocratiser ». D’où des réactions fort différentes aux événements complexes du « printemps arabe » par l’éclatement, dans les pays frontaliers, de « révolutions de couleur » soutenues plus ou moins ouvertement par des forces extérieures. C’est pourquoi dès mars 2011, après le début de l’intervention armée de l’OTAN en Libye, la Russie s’est fermement prononcée contre toute tentative d’imposer la démocratie par la force, y voyant non seulement la manifestation d’une concurrence déloyale sur les marchés du Proche-Orient mais aussi une nouvelle illustration des « doubles standards » qui compromettent le choix démocratique en tant que tel.

Le « printemps arabe »

Dès les premiers frémissements du « printemps arabe », la Russie a affirmé que le dialogue était le seul moyen acceptable de régler les conflits. Plus que cela : avant les excès de la guerre civile en Libye, la direction (et à fortiori l’opinion publique) russe souhaitait éviter tout conflit avec l’Occident sur une question aussi délicate que la transformation démocratique du Proche-Orient. De même que la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Allemagne, la Russie s’est abstenue lors du vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’établissement d’une « zone d’exclusion aérienne » en Libye. Mais l’Amérique étant sur le point d’entrer en campagne électorale, Barack Obama avait besoin d’un succès rapide et indiscutable au Proche-Orient. Quant aux Européens, aspirés dans cette situation moralement contestable, ils ont vu resurgir leurs vieux réflexes colonialistes datant de la lutte pour le pétrole de la Cyrénaïque. Résultat : la Libye a eu droit à une guerre civile de grande ampleur doublée d’une intervention extérieure, et la Russie a dû fermement mettre les points sur les « i » et faire part de son refus catégorique de voir un changement de régime se produire suite à une ingérence étrangère.

Les Européens, comme le cas libyen l’a récemment illustré de manière éclatante, font souvent passer les considérations relatives à leur responsabilité internationaleLe fait qu’à l’automne 2011 la Russie soit à son tour entrée dans un cycle électoral a également influé son attitude. Les enjeux de sa polémique avec l’Occident et avec son opposition intérieure ont augmenté. Dans un article programmatique intitulé « La Russie est un monde qui change », Vladimir Poutine commença par rappeller que les sympathies des citoyens russes allaient à ceux qui luttaient pour des réformes démocratiques, avant de critiquer avec virulence le soutien offert par la coalition occidentale à l’une des parties au conflit libyen. Condamnant le meurtre « même pas moyenâgeux, quasiment préhistorique, de Kadhafi », il a durement mis en garde l’Occident contre une « continuation de la déstabilisation du système de sécurité internationale dans son ensemble » qui, selon lui, ne manquerait pas de se produire en cas d’ingérence militaire en Syrie sans mandat du Conseil de sécurité de l’ONU.

Comme on pouvait s’y attendre, cet exposé abrupt de la posture russe, tout à fait dans l’esprit du « discours de Munich » en 2007, a provoqué des réactions nerveuses à l’extérieur comme à l’intérieur du pays (de la part des membres d’obédience libérale de la « classe créative » russe). La Russie de Poutine, déplorait-on, refusait une fois de plus de prendre place aux côtés de la communauté démocratique. Il était pourtant évident que la « Russie de Poutine » n’allait pas se ranger à des décisions prises sans qu’elle ait eu son mot à dire. Bien sûr, il serait partiel, voire hypocrite, de présenter le rapport de Moscou au « printemps arabe » exclusivement comme une réaction aux « doubles standards » pratiqués par l’Occident. De même que l’Occident, la Russie s’est très pragmatiquement adaptée à l’évolution de la situation, cherchant surtout à ne pas perdre prise alors que les événements s’enchaînaient à grande vitesse. Mais il faut souligner que ce pragmatisme ne l’a pas empêchée de toujours respecter une hiérarchie relativement nette de ses objectifs.

En Libye

Concernant le « printemps arabe », ces priorités se répartissent en trois niveaux distincts :

Le niveau global : la Russie détient une part de responsabilité pour la préservation de la sécurité globale et régionale du fait de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et de sa participation au« Quartet » pour le Proche-Orient et aux négociations « 5+1 » avec l’Iran ;Le niveau régional : la Russie souhaite protéger ses intérêts historiques dans la région et conserver des relations développées avec les pays arabes et Israël dans les domaines politique, commercial et économique, militaro-technique, culturel et humanitaire ;Le « troisième panier » : la Russie soutient les réformes démocratiques dans le monde arabe, vues comme un élément du processus global de la démocratisation des États souverains.On peut facilement constater que les autres grands acteurs internationaux – États-Unis, Union européenne, Chine – élaborent eux aussi leur politique étrangère en fonction de ces mêmes groupes de priorités, même s’ils les interprètent et les hiérarchisent différemment. Par exemple, pour les Américains, la démocratie et les droits de l’homme (le « troisième panier ») sont généralement prioritaires non seulement par rapport à la souveraineté des États mais aussi, parfois, par rapport à la responsabilité globale de Washington. Les Européens, comme le cas libyen l’a récemment illustré de manière éclatante, font souvent passer les considérations relatives à leur responsabilité internationale. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cet impératif de la réflexion géopolitique datant de l’époque soviétique a poussé les pays occidentaux à considérer notre position comme relevant de l’obstructionnisme par rapport à leur politique. Sans doute estimaient-ils qu’eu égard à ses incontestables problèmes internes, à ses réformes inachevées et à la réduction drastique de sa présence militaro-stratégique dans le monde, la Russie allait se montrer plus coopérative. Mais nous avons suivi notre propre voie, refusant de nous impliquer dans ses actions susceptibles de provoquer des changements de régime. Moscou a appelé à un respect inconditionnel de la souveraineté des États, à la non-ingérence et au règlement des conflits par le dialogue. Cette attitude a été interprétée par les autres acteurs d’abord comme la résurgence d’une logique néo-impériale, puis – en Syrie – comme une tentative de conserver à tout prix la mainmise russe sur le marché de l’armement.

Lutte armée en Syrie

Cependant, c’est grâce à la détermination russe que la situation, spécialement en Syrie, a pu rester dans les limites de la rationalité. On peut même prendre le risque d’affirmer que l’ « opposition constructive » incarnée par la Russie et la Chine a apporté une qualité nouvelle aux interactions collectives dans les affaires de la région. Les débats du Conseil de sécurité et les polémiques avec les représentants de diverses fractions de l’opposition syrienne ont constitué autant de pas concrets faits dans la direction d’une démocratisation des relations internationales.

Viribus UnitisPuisqu’ils font des interprétations différentes des problèmes qui surgissent au fur et à mesure du déroulement du « printemps arabe », les acteurs extérieurs agissent toujours séparément – et, le plus souvent, en se faisant concurrence. Non seulement ce manque de coordination complique et repousse le règlement des conflits mais, en plus, crée un contexte favorable à la montée en puissance des extrémistes de tout poil – des djihadistes rejetant les valeurs de la « civilisation occidentale corrompue » aux activistes d’Al-Qaïda, désireux d’instaurer un califat islamique mondial.

Prenons le cas de la Syrie. Dans ce pays, c’est la « classe créative » qui s’oppose politiquement au régime de Bachar el-Assad, mais les opérations militaires sont conduites par un conglomérat hétéroclite dominé par les islamistes. Dans le contexte extrêmement tendu de la guerre civile, Assad avait paru satisfaire les exigences de l’opposition concernant la démocratisation du pays, et avait clairement indiqué qu’il était prêt à entamer un dialogue de grande ampleur fondé sur la plate-forme définie dans le communiqué de Genève. Mais étant donné la force d’inertie de la lutte armée en Syrie et l’entrelacement des intérêts des islamistes des pays voisins, on ne voit guère poindre à l’horizon un règlement de crise centré sur la préservation de la sécurité régionale et mondiale.

Lutte armée en Syrie

Par quels facteurs l’expliquer ? Peut-être par le fait que ceux qui instrumentalisent la démocratie et les droits de l’homme à des fins politiques refusent d’attribuer le rôle du « pécheur repenti » à Assad, de même qu’à d’autres symboles du passé soviétique. Peut-être, plus simplement, par le fait que l’opposition syrienne – qui considère dans sa majorité les slogans démocratiques comme rien de plus qu’une obligation conjonctuelle – joue efficacement des divergences existant entre les acteurs extérieurs Si ces questions paraissent tout à fait rhétoriques, leurs enjeux sont cependant cruciaux. Après avoir patiné en Libye, le « printemps arabe » s’est retrouvé, en Syrie, à la croisée des chemins. Il est évident que la suite des événements dépend largement de la façon dont le conflit sera réglé dans ce pays clé. Se dirige-t-on vers un scénario

« yéménite », ouvrant la voie à un changement de régime dans la douceur, ou va-t-on assister à la répétition du modèle libyen, qui s’est accompagné, entre autres, de l’assassinat de l’ambassadeur américain à Tripoli et d’une « piste libyenne » dans la prise d’otages perpétrée par des islamistes maliens en Algérie ?

Une chose est sûre : le renversement d’Assad (avec la participation directe ou indirecte de forces étrangères) faciliterait sensiblement la tâche des extrémistes qui aspirent à une « talibanisation » du Proche-Orient. Inversement, l’absence d’ingérence étrangère dans les affaires syriennes contribuerait au maintien de la situation dans le champ du droit international et pourrait permettre de rationaliser la transition de la région de l’autoritarisme à la démocratie.

Mais pour faire la bon choix, les acteurs extérieurs doivent repenser fondamentalement leur approche des événements se produisant dans le cadre du « printemps arabe ». Il est impératif d’élaborer un programme collectif constructif visant à résoudre les problèmes stratégiques, au premier rang desquels les deux principales menaces susceptibles à court terme non seulement de déstabiliser la situation au Grand Moyen-Orient mais aussi d’en faire l’épicentre d’un conflit de civilisations.

Voici les buts qui doivent absolument être atteints.

Premièrement. Empêcher Israël de frapper l’Iran.La probabilité de l’emploi de la force contre le « régime des ayatollahs » augmente chaque jour. À l’automne dernier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, que le programme nucléaire iranien atteindrait le « point de non-retour » au printemps 2013, et prévenu que si les ambitions nucléaires de Téhéran n’étaient pas rapidement contenues, Israël se réservait le droit d’agir seul. Il ne s’agit pas d’une rodomontade rhétorique, mais d’un avertissement très clair, lancé au plus haut niveau possible.

L’affaiblissement de la droite israélienne à la suite des élections législatives de janvier a réduit le risque du recours à la force contre l’Iran, mais n’a pas suffi à le faire disparaître.

Une chose est sûre : le renversement d’Assad (avec la participation directe ou indirecte de forces étrangères) faciliterait sensiblement la tâche des extrémistes qui aspirent à une « talibanisation » du Proche-OrientOn peut s’étonner de voir un État nucléaire n’ayant pas signé le TNP menacer un État qui, lui, est partie au TNP et dont les sites se trouvent sous le contrôle de l’AIEA. Mais pour être irrationnelle, la situation n’en est pas moins dangereuse. Il apparaît clairement que les Iraniens ont l’intention de conduire leur programme nucléaire jusqu’à « minuit moins cinq ». À leurs yeux, c’est le seul moyen de garantir leur souveraineté. Or Israël n’est pas prêt à coexister avec un Iran nucléaire – un pays dont les dirigeants ont à de multiples reprises appelé à la destruction de l’État hébreu. Résultat : la confrontation israélo-iranienne constitue un sujet de préoccupation de premier ordre pour le monde entier. Une déflagration risquerait de provoquer une réaction en chaîne et une explosion majeure.

Les États-Unis et l’Union européenne ont adopté des sanctions contre l’Iran

Les États-Unis et l’Union européenne ont adopté contre l’Iran des sanctions sans précédent, qui ont déjà commencé à produire leur effet (à la fin de l’année 2012, les exportations de pétrole de Téhéran avaient chuté de 40%). Mais jusqu’à présent, cette ligne n’a apporté aucun résultat politique. La combinaison des sanctions et de la menace d’une frappe sur les sites nucléaires n’a fait que rassembler les Iraniens autour du régime. De plus, dans cette guerre des nerfs, il arrive que les Iraniens prennent le dessus sur leurs adversaires, grâce au large soutien dont leur droit à l’atome bénéficie au sein du monde musulman et du Mouvement des non-alignés (une instance dont l’Iran a pris la présidence en 2012).

La situation paraît bloquée. Trop d’ambiguïtés, certaines constructives, d’autres beaucoup moins, se sont accumulées dans le domaine de la dissuasion, si bien qu’il paraît impossible d’espérer résoudre dans ce cadre le probème posé par le programme nucléaire iranien.

Il faut également tenir compte des changements qui semblent s’annoncer dans l’équilibre des forces au Proche-Orient, liés, entre autres, à l’activisme régional de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe persique, où les positions anti-iraniennes et anti-chiites sont traditionellement fortes. Ce facteur engendre des manœuvres dangereuses et à courte vue, reposant sur le calcul que les sunnites pourraient soutenir le recours à la force contre l’Iran. Il s’agit d’une illusion inquiétante mais tout à fait caractéristique d’une perception superficielle qui s’est formée autour de l’Iran.

Pour conserver la situation sous contrôle, une approche double s’impose : il convient, parallèlement aux négociations « 5 + 1 » (auxquelles on pourrait convier la Turquie ou un représentant de la Ligue arabe), d’élaborer une position commune résolument opposée à un règlement du problème par la force ; il faut aussi, dans le même temps, fournir à Israël comme à l’Iran des garanties internationales visant à apaiser leurs craintes. On pourrait, de cette façon, obtenir davantage de temps pour élaborer un règlement définitif des questions posées par la prolifération nucléaire au Proche-Orient, conformément aux exigences du TNP.

Deuxièmement. Aider les Palestiniens et Israël à relancer le processus de paix sur la base d’une solution à deux États.C’est le deuxième problème le plus important de la région. Là aussi, des actions immédiates des pays de la zone et de la communauté internationale s’imposent. Les islamistes parvenus au pouvoir grâce au « printemps arabe » vont-ils respecter les accords de paix que leurs prédécesseurs ont passés avec Israël, y compris les arrangements informels ? C’est une question essentielle. Le problème palestinien se trouve au coeur de la conscience nationale des Arabes en général et spécialement des groupes et partis islamistes. Sa résolution est vue comme un objectif commun à toute la nation arabe, susceptible sous certaines conditions d’unir le monde arabe – sunnite et chiite – autour de l’hostilité envers Israël. Il y a là une menace réelle, même si elle n’est peut-être pas immédiate. Mais l’évolution du positionnement des Arabes vis-à-vis du dossier israélo-palestinien constituera également un révélateur de la capacité de la région à évoluer vers une communauté de nations démocratiques. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les processus enclenchés par le « printemps arabe » sont susceptibles d’aboutir à une résolution heureuse de ce conflit. Citons la fin relativement rapide, et obtenue sans qu’aucune partie ne perde face, de l’opération « Pilier de défense », grâce à une médiation efficace de l’Égypte islamiste ; la tendance à l’adoucissement du blocus de la bande de Gaza, où le leader du Hamas Khaled Mechaal a pu effectuer une visite pour la première fois ; ou encore la réaction plutôt pondérée d’Israël à l’attribution à la Palestine du statut d’État observateur auprès de l’ONU.

Le problème palestinien se trouve au cœur de la conscience nationale des Arabes en général et spécialement des groupes et partis islamistesGlobalement, il semble que des mécanismes jusqu’alors dissimulés aux regards indiscrets ont été actionnés. La nouvelle administration Obama envoie des signaux encourageants ; les Français s’apprêtent, à présent que les élections législatives israéliennes sont passées, à rendre publique leur propre initiative pour le Proche-Orient ; en Israël même, Ehoud Barak, Shaul Mofaz et, tout récemment, Tzipi Livni ont appelé à un déblocage rapide du processus de paix.

Bien entendu, cela ne signifie pas que le nouveau cabinet Nétanyahou infléchira l’approche radicale du précédent gouvernement de droite à l’égard de la question des constructions de logements dans les implantations – une question qui bloque toute relance des négociations israélo-palestiniennes. Mais, historiquement, les grandes percées du processus de paix au Proche-Orient (le voyage de Sadate à Jérusalem, les accords d’Oslo) ont toujours paru surgir de nulle part, de façon absolument inattendue – en tout cas, pour le grand public. En réalité, ces progrès sont, chaque fois, venus couronner un travail discret de longue haleine mené par des experts et des dirigeants politiques ayant bien saisi l’air du temps.

La situation actuelle est comparable. Le nouveau statut de la Palestine pose la question des frontières de l’État palestinien. D’un point de vue politique, continuer d’aller de l’avant est la seule option possible, car en l’absence de progrès dans le processus de discussion israélo-palestinien, la région risque fort de connaître une nouvelle phase de radicalisation. Certaines conditions subjectives sont également réunies : le match nul politique par lequel s’est achevée l’opération « Pilier de défense » rappelle fort la situation qui prévalait après la guerre de 1973, dont Kissinger a brillamment tiré profit pour lancer un processus qui finit par aboutir aux accords de Camp David et à un traité de paix entre Israël et l’Égypte.

Pour résumer, la diplomatie a une chance réelle de l’emporter au Proche-Orient, à condition que les puissances régionales se consacrent ensemble à la recherche d’une solution. L’objectif principal aujourd’hui consiste à mettre en évidence les paramètres d’une entente potentielle. La Ligue arabe s’est dite prête à passer un accord avec l’État hébreu sur la base de l’initiative saoudienne, dont il faut souligner qu’Israël ne l’a pas rejetée en bloc. Pour les Palestiniens (y compris le Hamas), il est fondamental de faire en sorte que leur État dispose de frontières légitimes. Dans ce contexte, on ne peut pas exclure que le nouveau cabinet israélien juge qu’il est dans son intérêt de chercher à élaborer un accord sur les frontières en échange de garanties de sécurité de la part des Palestiniens et du monde arabe dans son ensemble.

Le document de base pour des négociations selon la formule « la paix en échange des terroristes » existe déjà. Il s’agit de la « feuille de route » de 2003, amendée de façon à intégrer l’ « évolution de la situation sur le terrain » et, possiblement, l’initiative de paix saoudienne. Il existe également une instance de négociation créée suite à l’élaboration de la « feuille de route » : le Quartet international, auquel il serait logique d’intégrer plusieurs puissances régionales comme l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Turquie. Ce Quartet élargi pourrait également fournir un cadre à la discussion sur le statut définitif de Jérusalem, le droit au retour ou les questions de sécurité.

Une seule réserve : pour qu’un scénario aussi optimiste voie le jour, il est nécessaire que les acteurs régionaux et internationaux procèdent à une transformation radicale de leur approche et se réorientent vers des objectifs généraux, au premier rang desquels l’incorporation harmonieuse et organique du Proche-Orient dans la communauté mondiale des nations démocratiques.

Car l’ère du bon sens doit bien finir par survenir un jour dans cette région. Quand allons-nous comprendre que cette contrée qui a tant souffert peut et doit passer d’une zone d’hostilité et de conflit à une plate-forme de construction d’un monde plus juste et plus sûr ? Car l’autre terme de l’alternative est connu : c’est le conflit des civilisations. Le virus du djihadisme a déjà sa tâche destructrice. Seuls les efforts communs permettront de l’arrêter. Viribus unitis.

Piotr Stegni, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, membre du Conseil russe pour les affaires internationales (RSMD)

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